Certains d'entre vous le savent peut-être déjà, mais nous avons perdu un hacker et très bon ami samedi dernier, le 3 décembre 2011. La nouvelle s'est répandu assez rapidement dans son entourage, puis dans son cercle d'amis. CrashFr, hacker au grand coeur qui a créé il y a de cela plusieurs années Hacker'z Voice, est décédé à l'âge de 30 ans. Brutalement.
Je l'ai rencontré il y a plusieurs années, durant les nombreuses Nuit du Hack qu'il a organisé, et auxquelles j'ai pu participer. Un type formidable, ce CrashFr. C'est grâce à lui notamment qu'on a pu monter certains magazines (qui n'ont pas forcément marché), que l'on a pu faire entendre la voix des hackers et faire valoir leurs compétences et leur savoir-faire. Il s'est toujours battu pour ses idées, et il était toujours le premier à foncer. C'était une de ces personnes qui ne s'avouaient jamais vaincues, même lorsque le moral était au plus bas ou que rien ne laissait présager de bon. Un battant, ce Paolo. A plusieurs reprises je l'ai vu confronté à des problèmes, retourner dans tous les sens des questions, mais sans qu'il perde son optimisme ni sa bonne humeur.
On ne s'y attendait pas. Personne. Mais la vie est cruelle, et si fragile. Trop même. Je n'ai pas les mots justes pour décrire dans quel état d'esprit je suis, certainement trop bouleversé pour pouvoir réaliser exactement ce qu'il s'est passé, je ne sais pas comment appréhender les jours à venir. A tous ceux qui lui étaient proches, je vous souhaite du courage pour surmonter cette épreuve. Un hacker de renom nous a quitté, sans crier gare, sans même qu'on ait eu le temps de crier. Et s'il y a bien une chose que j'ai envie de faire en ce moment, c'est bien ca, crier. Mais il ne reviendra pas. J'ai beau essayer, ca ne change pas. Toujours cette même réalité, ce mauvais cauchemar qui n'en est pas un. Tu es parti mon ami. Et je réalise maintenant à quel point tu comptais vraiment.
Tu resteras toujours avec nous, dans nos mémoires de geeks, toi le hacker à la casquette. Repose en paix.
Je suis plutôt occupé sur pas mal de projets ces dernières semaines (dont un qui je l'espère sera publié avant noël ...) et je n'ai pas franchement eu le temps de rédiger quoique ce soit qui a un tant soit peu d'intérêt. Jusqu'à aujourd'hui, où je me suis dit que cela commençait à bien faire, et qu'il fallait que je me sorte les doigts du ... enfin que je me motive pour publier un truc sympa. J'avoue aussi que je suis malade à crever (comme tous les mecs malades), et que cela m'occupe un brin dans cette soirée hivernale.
Le modèle économique d'Android
Google promeut via Android la philosophie du Libre en diffusant le code source de son système d'exploitation mobile, contrairement à Apple et son IOS. Le problème, c'est que le Libre est bien (trop ?) souvent associé à la notion de gratuité, et les premiers geeks ayant opté pour le système Android s'attendaient de fait à avoir un panel d'applications gratuites intéressant et complet. Force est de remarquer que les développeurs d'applications n'avaient pas trop à y gagner, contrairement à l'iPhone où le prix du terminal détermine assez facilement le type d'acheteur/utilisateur/consommateur. Type qui ne se refuse pas de payer une application lorsqu'il en a besoin, contrairement à l'utilisateur Android.
Il est donc apparu comme essentiel, pour les développeurs d'applications mobiles destinées à Android, que la conception et la promotion d'une application se devait de passer par l'ancien modèle des sharewares: une version lite gratuite avec pub et dans certains cas des limitations, et une version complète payante cette fois-ci, qui supprime la pub et offre des fonctionnalités avancées. Regardez par exemple l'application Winamp.
Et bien sûr, nous simples utilisateurs d'Android, on doit subir les bandeaux de pub et autres joyeusetés qui nous prennent pour des vaches à lait. Sans parler des applications ne nécessitant a priori aucune connection de données qui de fait se mettent à pomper de la bande passante, faute à la pub. Et j'oublie encore le tracking des utilisateurs effectué par ces régies de pub ... Bref, il est des applications où l'on se dit que cela suffit, si on pouvait enlever cette satané pub cela nous ferait économiser de la bande passante et de précieuses minutes.
AdMob est le système de publicité (de monétisation d'application que l'on dit) géré par Google et qui s'intègre avec bon nombre d'applications présentes sur l'Android Market.
De la manière de désactiver AdView
Alors oui, AdMob c'est lourd, AdMob c'est pas bien. Et AdMon on va le désactiver, enfin pour les applications reposant sur le paquetage com.google.ads.AdView. Pour cela on se munit d'Apktool, notre super outil de désassemblage/réassemblage d'application Android, et on jette un oeil à une application qui utilise AdMob (tiens,* TaskManager* par exemple). Premier problème rencontré, l'outil proguard qui obfusque un brin les noms des classes et des méthodes. En fait, il s'agit d'un faux problème, car AdMon étant intégré à une application à l'aide d'une bibliothèque externe (un fichier .jar référencé dans le projet), les noms de classes et de méthodes sont restées intactes (ou presque). Pour être précis, certaines méthodes implémentées dans AdView sont exemptes d'obfuscation, car appelée par différents composants. J'ai pu identifier une méthode qui ne subit pas d'obfuscation:
.method public loadAd(Lcom/google/ads/AdRequest;)V .locals 1 .parameter "adRequest" .prologue iget-object v0, p0, Lcom/google/ads/AdView;->a:Ld; invoke-virtual *v0*, Ld;->e()Landroid/app/Activity; move-result-object v0 if-nez v0, :cond_0 const-string v0, "activity was null while checking permissions." invoke-static *v0*, Lcom/google/ads/util/a;->e(Ljava/lang/String;)V :goto_0 return-void :cond_0 invoke-virtual *p0*, Lcom/google/ads/AdView;->isRefreshing()Z move-result v0 if-eqz v0, :cond_1 iget-object v0, p0, Lcom/google/ads/AdView;->a:Ld; invoke-virtual *v0*, Ld;->c()V :cond_1 iget-object v0, p0, Lcom/google/ads/AdView;->a:Ld; invoke-virtual *v0, p1*, Ld;->a(Lcom/google/ads/AdRequest;)V goto :goto_0 .end method
Cette méthode est appelée lors du chargement de la publicité. Nous allons la court-circuiter en la patchant comme ceci:
.method public loadAd(Lcom/google/ads/AdRequest;)V .locals 1 return-void .end method
Et on reconstruit le paquetage Android (APK):
$ apktool b mobi.infolife.taskmanager-1 mobi.infolife.taskmanager-nopub.apk $ jarsigner -v -keystore my.keystore myalias mobi.infolife.taskmanager-nopub.apk $ adb mobi.infolife.taskmanager-nopub.apk
On peut ensuite admirer le résultat, une belle application sans publicité.
Bon allez zou, on automatise
Histoire de m'amuiser un peu, j'ai développé un petit script python qui automatise ce patch, libre à vous de l'utiliser dans un script bash ou je ne sais comment, c'est gratuit, cadeau, offert par la maison.
""" This is a little python script to disable Google AdView from disassembled Android's APKs (disassembled thanks to Apktool). Pre-requesites: 1. Install Apktool (http://code.google.com/p/android-apktool/) 2. Be sure that jarsigner is installed on your system How to use it: 1. Disassemble your APK with Apktool $ apktool d com.example-1.apk 2. Launch winston.py $ ./winston.py com.example-1 3. Rebuild your APK $ apktool b com.example-1 com.example-noad.apk $ keytool -genkey -v -keystore my.keystore -alias myalias -keyalg RSA -keysize 2048 -validity 10000 $ jarsigner -v -keystore my.keystore myalias com.example-noad.apk $ adb install com.example-noad.apk And that's it ! Have fun ;) """ import re import os import optparse from subprocess import Popen class WinstonWolf: def __init__(self, directory): self.base_dir = directory def __checkGoogleAdView(self): return os.path.exists(os.path.join(self.base_dir,'smali/com/google/ads/AdView.smali')) def patchAdView(self): print '[i] Checking AdView presence ...' if self.__checkGoogleAdView(): try: print '[i] Patching AdView file ...' f = open(os.path.join(self.base_dir,'smali/com/google/ads/AdView.smali'),'r') src = f.read() start = src.index('.method public loadAd(Lcom/google/ads/AdRequest;)V') patch = """ .method public loadAd(Lcom/google/ads/AdRequest;)V .locals 1 return-void .end method """ if start: end = src`start:].index('.end method') if end: patched = src[:start] + patch + src[(start+end+11):] f.close() f = open(os.path.join(self.base_dir,'smali/com/google/ads/AdView.smali'),'w') f.write(patched) f.close() print '[i] AdView patched !' return True else: print '[!] Cannot patch: end method not found' return False else: print '[!] Cannot find AdView <loadAd() method' return False except IOError,e: print '[!>`_ Unable to open/read/write file.' return False else: print '[!] AdView.smali not found !' def createParser(): parser = optparse.OptionParser("usage: %prog [options]") parser.add_option('-d','--directory',dest='directory',help='Directory of android application disassembly (created by apktool)',metavar='DIR') return parser def banner(): print '[ Android APK GoogleAds remover - By virtualabs (http://virtualabs.fr) ]' if __name__ == '__main__': banner() (options, args) = createParser().parse_args() if options.directory: ww = WinstonWolf(options.directory) ww.patchAdView()
Conclusion
Je tiens tout de même à préciser qu'il existe pas mal de régies de pub qui supportent Android et qui utilisent chacune leur propre framework. On pourrait envisager d'améliorer ce petit bout de code de manière à gérer un grand nombre de bibliothèques de régies, ou tout simplement migrer sur une ROM custom qui permet d'éviter toute connexion à un serveur de publicité (de par la configuration du /etc/hosts). Bref, ce ne sont pas les solutions qui manquent, celle-ci a tout de même l'avantage de fonctionner sur n'importe quelle version d'Android. Et oui, je vais aller me soigner.
Dans la série des choses bizarres que j'ai pu observer en furetant sur Internet, je vous présente l'authentification sécurisée de RIPE NCC. RIPE NCC, ce n'est rien d'autre que le centre de coordination des réseaux IP européens, autrement dit l'organisme en charge de la gestion des adresses IP sur le vieux continent. C'est cet organisme qui attribue des plages d'adresses IP aux sociétés, et qui leur offre le moyen de gérer leurs données. C'est aussi cet organisme qui est en charge du maintient des bases de données WHOIS pour les plages d'adresses IP dont il a la charge.
Authentification vous avez dit ?
Bien sûr, l'accès à ces données est protégée par une authentification, utile seulement pour l'ajout, la modification et la suppression d'enregistrements. Histoire que madame Michu ne puisse pas modifier les adresses de courriel associées à un mainteneur par exemple (très utilisées en cas d'abus, de phishing, ou que sais-je ...). D'ailleurs le RIPE NCC met à disposition une page explicitant les méthodes d'authentification supportées, ce qui inclut: * l'authentification par hash FreeBSD MD5 * l'authentification par certificat X.509 * l'authentification par clef PGP
Je ne vous cache pas que les deux dernières options sont mises en avant par le RIPE NCC, celui-ci précisant que l'authentification par hash FreeBSD MD5 est vulnérable à deux attaques: * le cassage de mot de passe (à partir du hash FreeBSD MD5) * l'interception du mot de passe (celui-ci étant notamment envoyé en clair dans les emails de mise-à-jour)
Hash MD5 vs PGP vs X.509
La question est donc posée: combien de mainteneurs emploient l'authentification par hash FreeBSD MD5 ? Pour répondre à cette question, rien ne vaut un bon vieux google dork:
site:apps.db.ripe.net "mntner: " "MD5-PW" ##NOMDESOCIETE##
Ce qui nous donne de beaux résultats, comme par exemple avec Microsoft:
Hé oui, l'authentification MD5 est présente, et seulement celle-là ! C'est aussi le cas de DEXIA, de BNP Paribas, d'ORACLE, et j'en passe. Le nombre de ces champs d'authentification n'est pas limité, il est donc possible de paramétrer plusieurs mots de passe pour un seul objet, ce qui rend la probabilité d'attaque plus grande. Avec le hack google présenté ci-dessus, on trouve énormément de mainteneurs qui utilisent ce type d'authentification, exposant de fait leurs données.
Il est d'ailleurs étrange de voir que le site de RIPE NCC propose à la consultation le contenu de ces champs d'authentification, qui ne sont absolument pas nécessaires au quidam. Peut-être que les cacher pourrait empêcher de les casser facilement ? Dire que des groupes de hackers exploitent des injections SQL en masse pour obtenir ces précieux sésames ... Alors que le RIPE NCC les donne publiquement ! Update: Ils ont publié depuis une note sur le site des labs du RIPE NCC concernant le futur de ces hashes MD5, cf [1].
Dans certains cas, l'authentification MD5 est couplée à une authentification par certificat ou clef PGP, comme c'est le cas par exemple pour le mainteneur RAIN-TRANSPAC:
Mais gros problème pour ce mainteneur, le mot de passe correspondant à un de ses hashes MD5 n'est absolument pas solide (7 caractères alphabétiques dont 1 majuscule, merci Sorcier_FXK) et peut autoriser la modification des objets dépendant de ce mainteneur (qui je le rappelle, correspond aux Réseau d'Accès à l'INternet, appartenant à France Telecom/Orange Business). Une fois le mot de passe retrouvé, il est aisé de modifier le contenu des enregistrements via le formulaire web dédié.
Quelques statistiques
Suite à cela, j'ai codé un petit outil qui se base sur un ancien top 100 des mainteneurs, afin de déterminer le pourcentage de ces mainteneurs utilisant les différents modes d'authentification proposés, et les résultats sont les suivants (sur 85 mainteneurs encore en activité):
Il s'agit de statistiques calculées assez rapidement, mais cela montre tout de même la prépondérance de l'authentification par hash FreeBSD MD5, et donc la vulnérabilité potentielle de ces objets mainteneurs.
Impact & responsabilités
Le site du RIPE NCC précise bien que l'authentification via hash FreeBSD MD5 est plus faible que l'authentification via PGP ou certificat X.509, seulement la grande majorité des utilisateurs historiques ont de prime abord opté pour cette méthode d'authentification, fragilisant de fait l'intégrité des données stockées dans la base de données du RIPE.
Il est donc de la responsabilité des mainteneurs d'éviter à tout prix l'emploi de ce mode d'authentification, et de lui préférer PGP ou l'emploi de certificats X.509. Quant au RIPE NCC, il est de leur responsabilité de ne pas diffuser les hashes FreeBSD MD5 afin de ne pas fragiliser l'intégrité des données de leurs utilisateurs.
EDIT: J'ai été contacté après coup par Stephane Bortzmeyer et Alix Guillard, le premier m'ayant donné de plus amples informations sur les ressources offertes par le RIPE NCC et le second m'ayant dirigé vers la mailing-list db-wg (database working group) du RIPE afin d'exposer mon point de vue. Un thread a été démarré, auquel j'ai apporté mon soutien: http://www.ripe.net/ripe/mail/archives/db-wg/2011-November/001993.html. En espérant que cela puisse permettre de faire avancer les choses. Merci à vous deux.
EDIT #2: Le RIPE NCC a publié le 09/11/2011 un billet sur le site des labs RIPE NCC explicitant le problème et envisageant de prendre les mesures adéquates, comme discuté sur la mailing-list db-wg.
[1] Le billet des labs RIPE NCC concernant l'authentification par hash FreeBSD MD5