Je ne pensais pas écrire ce bout de texte maintenant, mais il semblerait qu'il en ait été décidé autrement. Un coup de fil d'un ami proche, passé un samedi midi ensoleillé, et que j'ai loupé car occupé à préparer le repas avec ma petite famille. J'ai répondu par SMS un "Tu voulais ?", histoire de voir si ça pouvait se régler simplement en quelques messages échangés. "Rappelle, important". Ce que je fis, donc. Pour apprendre que David M a.k.a dvrasp, un ami de longue date, s'est éteint la veille sans crier gare. Après Paolo, Peter, Simon, la communauté HZV perd un de ses plus anciens membres. Et nous, eh bien, on en a gros.
Ma première rencontre avec David s'est passé sur IRC, le Discord des vieux. A l'époque, j'étais étudiant et m'amusais à creuser le format de fichier des programmes exécutables de Windows, et je l'ai contacté pour savoir s'il y avait moyen de publier un article dans feu The Hackademy Magazine, dont il était rédacteur en chef. Il a trouvé l'idée sympa, et c'est ainsi que mon premier article est paru, en 2005. Ma première rencontre IRL avec David s'est déroulée quelques mois plus tard, quand nous discutions avec la société d'édition pour laquelle il travaillait d'un projet de magazine que nous souhaitions lancer, XeLoRy et moi-même. Ce premier vrai contact m'a marqué: j'ai découvert une personne qui semblait très réfléchie, ouverte et amicale. Nous avons assez peu échangé ce jour là, en vérité. Ce fut pour moi l'occasion de mettre un visage sur un pseudonyme, ce qui n'était pas rien. Nous avons continué à échanger par la suite, des articles, des idées, du code. Jusqu'à ce qu'il me fasse suivre une offre d'emploi.
A ce moment là, ma situation personnelle était assez précaire: j'étais étudiant, en couple, avec un loyer et une voiture, mais de maigres revenus. J'avais pris la décision de chercher du travail afin de pouvoir être serein et démarrer dans la vie active, et nous en avions discuté. David et moi étions d'accord sur le fait que pigiste n'était pas une situation d'avenir, surtout avec les retards de paiement de la société d'édition. Quand quelqu'un l'a contacté pour savoir s'il pouvait passer une annonce pour une offre d'emploi particulière, il y a jeté un oeil et a directement pensé à moi. Il s'agissait d'un poste d'ingénieur de développement C/C++ pour lequel des connaissances en reverse engineering étaient souhaitées. J'ai lu en diagonale l'offre, et me suis arrêté sur "Vous êtes diplômé(e) d'une école d'ingénieur ou équivalent universitaire (Bac + 5)". Je lui ai répondu que je n'avais pas ce niveau, et donc que je ne correspondais pas au profil. Il a insisté. Durant un mois, presque. Jusqu'à ce que je me décide à envoyer une lettre de motivation et un CV. Deux semaines plus tard, après un entretien téléphonique et un rendez-vous à Paris, j'étais embauché. "Je te l'avais dit que ton profil ferait l'affaire !", m'a-t-il répondu lorsque je lui annonçait la nouvelle. C'est grâce à David que j'ai eu mon premier job. Pas moins que ça.
Nous nous croisions régulièrement durant les meetings HZV organisés à Sysdream, l'occasion de discuter autour d'une bière ou quinze, mais aussi lors des Nuits du Hack que nous organisions plus ou moins de façon anticipée. Je me rappelle en particulier de la Nuit du Hack 2007, lorsque nous rentrions chacun chez nous via le premier RER du matin (ou presque). David était en face de moi, sa sacoche sur les genoux. Il l'ouvre, regarde dedans, et sort un "Ohhh meeerde ! Je crois que j'ai oublié mon laptop !" ... avant de se raviser et de sortir un ordinateur portable qui prenait toute la place dans la sacoche. Ainsi qu'un petit livre intitulé "Memoirs of a virus programmer", qu'il me présente comme étant un excellent ouvrage que je devrais lire, et me le donne ensuite. Nous nous quitterons quelques stations plus loin, nous donnant rendez-vous à un prochain meeting HZV ou à la prochaine Nuit du Hack, ou encore sur IRC. J'avalais le livre dans la semaine et effectivement, ce fut une lecture très intéressante. Quelques années plus tard, c'est à 4 heures du matin que l'on s'est retrouvé pour rédiger les slides de la présentation que je donnais le jour même lors d'une Nuit du Hack. L'occasion de bien rigoler et de fignoler le support d'un talk en y intégrant des références subtiles (ou pas), tout en l'ayant lui comme public fictif, challengeant mes arguments et posant des questions afin d'améliorer ma préparation.
J'ai ce souvenir de David, quelqu'un de sincère et généreux, intelligent et perspicace, avec qui j'ai eu de nombreuses discussions éclairées ou éclairantes. Je garde ces quelques anecdotes de lui et bien d'autres (mais impossible de toutes les narrer dans un billet de blog), ces moments simples où l'on se marrait, sa bienveillance. Repose en paix, l'ami.