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Découverte du langage Rust

Publié le 19 mai 2022

Cela doit bien faire un an que le langage Rust me fait de l'oeil. Rust se veut rapide, fiable, économe en mémoire, mais aussi sécurisé par design. En effet, il incorpore des mécanismes évitant au développeur les erreurs habituelles pouvant aboutir à des vulnérabilités applicatives: adieu buffer overflows, use-after-free, etc. Le langage commence à être mature (il a été créé il y a plus de dix ans), et possède une bonne communauté, ce qui est plutôt pratique (et on aura l'occasion d'en reparler plus bas dans ce billet).

Bref, je me suis donc dit qu'il était temps en 2022 de tester ce langage par la pratique, histoire de mieux appréhender ses concepts et subtilités. Ce billet de blog est un premier retour à chaud de mon début d'apprentissage du Rust, qui s'est principalement déroulé en live sur ma chaîne Twitch, ainsi que mes premières impressions au regard des autres langages auxquels je suis habitué (globalement C et Python).

Prise en main du langage Rust, premier projet

Rien de mieux pour tester un langage que de se lancer dans un petit projet pratique. En ce qui me concerne (et après une rapide recherche pour m'assurer de la faisabilité), je me suis décidé à développer un logiciel pour interfacer mon AKAI APC mini reçu à Noël avec OBS Studio. De cette façon, je pourrai piloter OBS (mon logiciel de streaming) avec ce magnifique clavier MIDI, tout en ayant un retour visuel sur ce dernier. Franchement, je trouvais ce projet relativement ambitieux, vu que cela implique de communiquer avec le clavier MIDI et OBS Studio via une websocket. Aucune idée de comment réaliser cela de prime abord, mais je savais que Rust avait des modules (des crates) pour gérer cela.

J'ai suivi dans un premier temps le tutorial officiel (qui d'ailleurs a sa traduction non-officielle en français disponible sur https://jimskapt.github.io/rust-book-fr/, merci jimskapt !), histoire de découvrir les principales fonctionnalités et de faire des parallèles avec celles du C ou encore de C++. Mauvaise idée d'ailleurs, de faire des parallèles avec d'autres langages, mais je m'en suis rendu compte assez rapidement.

Au final, il m'aura fallu quelques soirées de coding pour arriver à un résultat probant, alors que je pensais sincèrement que j'allais galérer. Bon d'accord, j'avais aussi de l'aide de certaines personnes sur le chat Twitch (encore un grand merci à speace, lilymonade, jimskapt et ceux que j'oublie), et cela a certainement aussi joué sur le temps de développement.

L'écosystème Rust

La première chose qui m'a étonné lorsque j'ai débuté le tutorial est la prédominance de cargo. Cargo est l'outil qui fait le café et bien plus en Rust, qui permet de démarrer un projet, de vérifier le code, de le compiler, de gérer les dépendances, etc... Je ne suis d'habitude pas super fan de ce genre d'outils (type bower, grunt et consors), mais je dois avouer qu'avoir un outil "officiel" permettant de gérer tout cela est très pratique. Cargo utilise bien sûr le compilateur de Rust (rustc) pour les phases de compilation et de vérification (enfin je crois), qui est aussi très intéressant.

En effet, le compilateur aide énormément l'utilisateur, contrairement à gcc et ses erreurs cryptiques. En cas de problème, il essaie même de proposer des solutions pour le corriger, ce qui est très appréciable ! Cela m'a permis de résoudre tout seul quelques erreurs dans le code, gratifiant quand on débute. Plusieurs profils de compilation sont proposés, pour permettre le débogage (avec toutes les informations de débogage dans le binaire) ou la release du logiciel (qui favorise les performances à l'exécution).

Enfin, Rust dispose d'un magasin de bibliothèques collaboratives (https://crates.io) à la sauce npm ou pypi, qui fournit tout un ensemble de bibliothèques (ou crates) qui peuvent être utilisées en Rust. C'est à mon avis le seul point noir de cet écosystème, car tout comme sur npm ou pypi il faut bien analyser les différentes crates pour éviter de tomber sur une qui soit bien maintenue et ayant bonne réputation. On n'est pas à l'abri de la disparition d'une crate ou de dérives que l'on a pu voir sur npm (sabotage ou piratage de bibliothèques).

Fonctionnalités du langage

Je ne vais pas couvrir en détail l'ensemble des fonctionnalités qu'offre le langage Rust (car je suis loin de les avoir toutes testées :p), juste mentionner celles qui m'ont marquées. Et on commence par un type particulier, Option. Quand je l'ai utilisé la première fois, je ne me suis pas rendu directement compte de son utilité, mais celle-ci s'est révélée au fur et à mesure que j'apprenais ce langage.

En Rust, il n'y a pas de None ou de nil, aucun mot-clé particulier permettant de spécifier qu'une variable ne contient juste rien. Le type Option fournit un genre de conteneur qui peut ne rien contenir ou contenir une valeur particulière. La subtilité est là toutefois: on a un type dédié que l'on peut utiliser pour des variables ou paramètres qui peuvent être vide, et donc optionnels. Prenons un exemple en python:

def greet_user(username):
    if username is not None:
        print('Hello, %s !' % username)
    else:
        print('Hello, anonymous !')

greet_user('virtualabs')
greet_user(None)

La définition de la fonction ne permet pas de déterminer a priori que le paramètre username peut avoir comme valeur None. L'équivalent en Rust est à mon sens plus lisible car la définition de la fonction précise, grâce à l'usage de ce type Option, que le paramètre est optionnel:

fn greet_user(username: Option<&str>) {
    match username {
        Some(x) => println!("Hello, {} !", x),
        None => println!("Hello, anonymous !")
    }
}

fn main() {
    greet_user(Some("virtualabs"));
    greet_user(None);
}

Et il en est de même pour les fonctions qui peuvent retourner un Option afin que la fonction appelante puisse déterminer si la fonction appelée retourne un résultat ou non, comme cet exemple tiré de la documentation officielle:

fn divide(numerator: f64, denominator: f64) -> Option<f64> {
    if denominator == 0.0 {
        None
    } else {
        Some(numerator / denominator)
    }
}

La seconde fonctionnalité qui m'a bluffé est le pattern matching implémenté de base dans Rust. Cela fonctionne comme un switch dans lequel les différents cas de figure sont des motifs particuliers pour lequel un bloc de code sera exécuté si la variable passée en entrée correspond à ce dernier. Cela m'a permis par exemple de parser des codes MIDI en quelques lignes de Rust:

fn from_midi(message: &[u8]) -> Option<Message> {
    match message {
    [0x90, id@0..=63, ..] => Some(Message::Button{id:*id}),
    [0x90, id@64..=71, ..] => Some(Message::SliderButton{id:*id}),
    [0xB0, id@48..=57, value, ..] => Some(Message::Slider{id:*id - 48, value:*value}),
    _ => None
    }
}

On retrouve d'ailleurs dans ce code l'utilisation du type Option, combiné au mécanisme de pattern matching. La fonction en question analyse le message passé en paramètre et en fonction de la valeur de ses premiers octets retourne une structure automatiquement complétée avec des valeurs issues du motif correspondant. Certes la syntaxe est quelque peu complexe (en particulier le id@0..=63 par exemple), mais c'est très puissant ! Ce qui m'amène à parler de la troisième fonctionnalité que j'apprécie de plus en plus: les énumérations.

En Rust, les énumérations sont plus flexibles qu'en C par exemple, car elles permettent d'associer des variants à une énumération spécifique. Pour reprendre l'exemple des messages MIDI ci-dessus, Message est une énumération définie comme suit:

enum Message {
    /// Normal button has been pressed.
    Button{id:u8},

    /// Slider value has changed.
    Slider{id:u8, value:u8},

    /// Slider button has been pressed.
    SliderButton{id:u8},
}

Cette énumération permettra par la suite, grâce au pattern matching, de pouvoir dispatcher les différents messages MIDI décodés par notre précédente fonction from_midi(), comme le montre le code suivant:

match message {

    /* Button has been pressed (switch scenes and video sources). */
    Message::Button{id} => {
        /* Here some code to handle button press event. */
    },

    /* Slider button has been pressed (handle mute/unmute). */
    Message::SliderButton{id} => {
        /* Here some code to handle slider button event. */
    },

    /* Slider value has been changed (set volume). */
    Message::Slider{id,value} => {
        /* Here some code to handle slider value change event. */
    },
}

Bref, ces quelques fonctionnalités m'ont pas mal séduit dans le langage Rust, bien qu'il me reste encore un bon bout de chemin à faire dans mon apprentissage.

Les choses qui prennent un peu plus la tête

Rust utilise des mécanismes spécifiques afin d'éviter toute erreur de manipulation de la mémoire ou de références (pointeurs) sur des zones mémoires allouées, et ces derniers imposent au développeur de penser à des choses auxquelles il ne pensait pas auparavant. Et cela commence par la mutabilité des variables: il est nécessaire de préciser dans le code qu'une variable est mutable, c'est-à-dire que sa valeur va changer au cours de sa durée de vie, via l'emploi du mot-clé mut.

C'est un coup de main à prendre, mais c'est dans ce genre de situation que le compilateur est bienveillant: il indique précisemment le problème et une solution possible, comme le montre l'exemple ci-dessous:

fn main() {
    let a: i32 = 2;
    a =3;
}

Cet exemple génère une erreur à la compilation:

  error[E0384]: cannot assign twice to immutable variable `a`
  --> src/main.rs:3:9
  |
2 |         let a: i32 = 2;
  |             -
  |             |
  |             first assignment to `a`
  |             help: consider making this binding mutable: `mut a`
3 |         a = 3;
  |         ^^^^^ cannot assign twice to immutable variable

For more information about this error, try `rustc --explain E0384`.

Le compilateur donne une indication sur la résolution du problème, qui consiste à déclarer la variable a mutable.

Autre particularité de Rust et autre prise de tête: la possession des variables. Quand on passe une variable à une fonction, cette fonction prend la possession de cette dernière et le code appelant la perd. Cela signifie que la variable en question n'existe plus une fois la sous-fonction appelée. Le souci en tant que développeur, c'est de suivre la possession de différentes variables dans le flux d'instructions exécutées afin d'éviter de faire une erreur.

On est alors vite tenté de cloner les différentes variables (la fonction appelée prenant possession de cette dernière) ou tout simplement passer l'ensemble des paramètres de fonction par référence, ce qui permet de conserver la possession de la variable et de la "prêter" à la sous-fonction appelée. Un peu comme si l'on passait un pointeur sur la variable en question. Et c'est là que ça commence à piquer, car le borrow checker de Rust entre en action. Son objectif ? S'assurer que les différentes références passées à des sous-fonctions (ou dans des sous-blocs de code) son intègres et ne posent pas de souci lors de l'exécution. Et la lutte avec le borrow checker commence...

On doit alors entrer dans de la syntaxe un peu avancée, et jouer avec la durée de vie des différentes variables (qu'il faut renseigner dans le code grâce à une syntaxe spécifique), et donc se prendre la tête avec les dépendances entre références passées à diverses fonctions. J'ai perdu pas mal de temps avec ces subtilités, et j'avoue ne pas encore les maîtriser au moment où je rédige ce billet.

Alors, faut-il essayer Rust ou pas ?

Avant de sauter directement à la conclusion, je tiens à rappeler que je suis un total novice en Rust, qui a juste développé son premier projet dans ce langage. Mon code doit certainement hérisser le poil des devs Rust confirmés, mais il fonctionne et déjà rien que ça c'est pour moi une petite victoire :).

De mon point de vue, l'apprentissage de Rust nécessite d'oublier certains concepts d'autres langages car ces derniers sont revisités; et bien sûr d'apprendre les particularités qui font de Rust un langage de développement sécurisé (oui, c'est bien des notions de mutabilité, possession et durée de vie des variables dont je parle ici). C'est assez difficile, surtout pour un développeur C/C++ qui ne se souciait pas de cela dans ses codes. Il m'a fallu un peu de temps pour prendre en main ces spécificités, mais une fois ces dernières à peu près maîtrisées cela devient plus facile. En résumé, la marche à franchir lors de la première prise en main de Rust est assez haute.

Cependant, on trouve relativement facilement des bibliothèques de fonctions (crates dans l'éco-système Rust) que l'on peut utiliser simplement, comme on le ferait en Python. J'ai ainsi pu installer plusieurs crates pour mon projet, et les interconnecter pour réussir à faire ce que je voulais. J'ai eu l'impression que ce n'était pas beaucoup plus compliqué à faire qu'en Python, bien que cela m'ait pris plus de temps à développer car étant novice. On notera aussi certaines crates qui changent la vie comme serde ou anyhow ! Plusieurs mécanismes de Rust sont très appréciables et permettent de bien structurer son code, et les performances sont au rendez-vous.

Rust est à mon avis un langage très intéressant, que ce soit pour ses aspects liés à la sécurité du code produit, ses performances ou ses fonctionnalités (pattern matching FTW). Je ne le recommanderai toutefois pas au débutants, car il suppose tout de même que le développeur qui apprend Rust maîtrise déjà certains concepts, par contre si vous êtes rodés en C ou C++ et que vous souhaitez faire du code plus sécurisé c'est le moment de s'y essayer !

NB: Je suis toujours en cours d'apprentissage de Rust, mon avis sur Rust peut changer dans l'avenir, et est très certainement actuellement biaisé par l'attrait de la nouveauté.



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